Le monarque est l'un de nos plus grands papillons diurnes (envergure : 93 à 105 mm). Sur le dessus, les ailes sont orange brillant, les nervures sont surlignées de noir, et les bordures, larges et noires, renferment une double rangée de points blancs. L'aile antérieure est traversée d'une large plage subapicale noire contenant plusieurs taches orange pâle ou blanches. Le dessous des ailes est semblable, mais d'un orange beaucoup plus pâle. Le mâle a une tache d'écailles androconiales noires qui détermine un petit renflement sur une des nervures de l'aile postérieure, un peu plus bas que le centre de l'aile.
Le centre de la vaste aire du monarque se trouve en Amérique du Nord. Le monarque se rencontre vers le sud jusqu'en Argentine, et il s'est établi dans les Bermudes, les Açores, les îles Canaries, à Hawaii et même en Inde, en Nouvelle-Zélande et en Australie. Il fait régulièrement des incursions en Europe, mais il n'est pas parvenu à s'y établir de façon permanente parce que ses plantes hôtes y sont absentes. Au Canada, il est présent de Terre-Neuve jusque dans l'île de Vancouver et s'aventure parfois très haut vers le nord, bien au-delà de l'aire de ses plantes hôtes, comme en fait foi une ancienne mention provenant de Fort Providence, dans lesTerritoires du Nord-Ouest.
La chenille est annelée de blanc, de noir et de jaune. Elle possède deux paires de filaments noirs charnus, une juste derrière la tête, l'autre à l'arrière du corps. Elle se nourrit sur diverses espèces d'asclépiades. Dans l'est du Canada, elle se rencontre généralement sur l'asclépiade commune (Asclepias syriaca), moins souvent sur l'asclépiade incarnate (A. incarnata) et l'asclépiade tubéreuse (A. tuberosa). L'asclépiade à fleurs vertes (A. viridiflora) est utilisée au Manitoba (Klassen et al., 1989), et la belle asclépiade (A. speciosa) et l'asclépiade à feuilles ovées (A. ovalifolia) en Alberta (Bird et al., 1995). Toutes les asclépiades sont toxiques, car elles renferment diverses quantités de glucosides cardiotoniques qui les protègent de la plupart des herbivores. La chenille du monarque n'est nullement incommodée par ces toxines, qui s'accumulent dans son corps et persistent jusqu'à l'âge adulte. La plupart des oiseaux qui se hasardent à manger un adulte ou une chenille de monarque sont rapidement pris de vomissements et, associant cette expérience déplaisante aux couleurs vives des adultes et des chenilles, apprennent rapidement à les éviter. À l'âge adulte, le vice-roi (Limenitis archippus) imite le monarque et acquiert une certaine immunité du fait de sa ressemblance avec ce dernier. Certains travaux plus récents donnent à penser que le vice-roi pourrait lui-même avoir un goût répulsif pour les oiseaux. Cette association mime-modèle semble donc profiter aux deux parties.
Les effectifs du monarque fluctuent considérablement d'une année à l'autre en fonction des conditions météorologiques, qui influent tant sur la reproduction et la migration que sur la survie en hiver. Les populations augmentent habituellement sur plusieurs générations au cours de l'été. Au début de l'automne, les adultes se rassemblent par centaines ou par milliers à quelques points de convergence répartis le long des couloirs de migration vers le sud, comme la pointe Pelée, dans le sud-ouest de l'Ontario, et le parc provincial Presqu'île, sur la rive nord du lac Ontario.
Les premiers monarques atteignent parfois le Canada vers la fin de mai, mais la plupart des immigrants arrivent en juin. Deux ou trois générations se succèdent avant le départ de la majeure partie de la population en septembre. Des individus s'attardent souvent dans nos régions jusque tard en octobre, parfois même jusqu'en novembre.
Le monarque est le plus connu des papillons migrateurs, et le seul qui effectue une migration de retour de façon systématique. Son comportement migratoire lui a permis de coloniser la majorité des régions de l'Amérique du Nord au cours des années 1800. L'augmentation spectaculaire des populations de l'asclépiade commune (Ascleptas syriaca) et du monarque en Amérique du Nord semble liée à la déforestation massive qui s'est produite à la même période dans l'est du continent. Tous les monarques vivant à l'ouest des Rocheuses convergent vers quelques petites localités de la Californie. Ce phénomène est connu depuis plus d'un siècle. Pacific Grove, près de Monterey, Californie, est célèbre pour ses rassemblements de monarques migrateurs. Toutes les autres populations, de l'Alberta à Terre-Neuve, doivent effectuer un trajet encore plus long avant d'atteindre une trentaine de très petits sites d'hibernation situés dans une petite région de la ceinture néovolcanique trans mexicaine, à 70 à 170 km à l'ouest de Mexico (Brower, 1995). Tous ces sites se trouvent dans des forêts de sapin sacré (Abies religiosa, Pinacées). La forêt de sapin sacré est un écosystème spécialisé qui se rencontre à haute altitude au sommet des plus hautes montagnes du Mexique. Dans ces sites juchés à près de 3 000 mètres d'altitude, la température s'élève rarement de plus de quelques degrés au-dessus du point de congélation durant tout l'hiver. C'est là que les monarques passent l'hiver suspendus aux branches des arbres, parfois en si grand nombre qu'ils provoquent le bris de grosses branches. Des observateurs ont estimé à quelque 14 millions le nombre de monarques en hibernation dans un de ces sites, d'une superficie de quelques acres seulement.
Même si les habitudes migratrices du monarque sont connues depuis longtemps, il a fallu attendre jusqu'en 1975 avant que les sites d'hibernation au Mexique soient découverts par Fred Urquhart, un entomologiste de l'University of Toronto. Ce scientifique a consacré toute sa carrière à étudier le monarque et mis au point une méthode de marquage et de lâcher permettant de documenter les migrations du papillon. En reportant sur une carte les données fournies par les quelques monarques marqués-recapturés qui lui étaient retournés, il est parvenu à suivre la progression des migrateurs durant leur odyssée migratoire. Lorsque les sites d'hibernation ont finalement été découverts, quelques individus marqués dans le nord des États-Unis ont été trouvés parmi la masse de papillons hibernants. Depuis, des papillons marqués au Mexique ont été capturés au Canada. Cette découverte a démontré qu'au moins une fraction des individus qui atteignent les sites d'hibernation au Mexique reviennent à leur lieu de naissance l'année suivante. Dans le cadre d'une étude récente, Malcolm et al. (1993) ont toutefois montré que ce phénomène demeure exceptionnel et qu'au moins 90 % des monarques qui recolonisent le nord des États-Unis en juin se sont développés sur des espèces d'asclépiades communes dans les États du Golfe et en Floride. En d'autres mots, ces papillons sont issus de femelles qui ont hiberné au Mexique et qui sont ensuite remontées jusque dans les États du Golfe pour déposer leurs oeufs sur des espèces d'asclépiades locales.
Le fait que toute la population de monarque de l'est de l'Amérique du Nord se rassemble annuellement dans seulement quelques sites constitue une grave source d'inquiétude. Certains des sites d'hibernation, au moment même de leur découverte, étaient déjà menacés par des projets de développement local et d'exploitation forestière. Depuis, le gouvernement mexicain est intervenu pour assurer leur protection, mais la surveillance de ces sites et l'application de la loi demeurent un problème important. La vulnérabilité des sites d'hibernation et l'élimination des asclépiades et des plantes nectarifères par l'utilisation d'herbicides dans les vastes régions agricoles du Midwest américain continuent de menacer l'avenir du monarque.
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